La Charte de Défi passée au crible d'un citoyen

Etant donné qu'on me reproche de critiquer une charte que je n'aurais pas lue, j'ai décidé d'encore une fois réactiver ce blog en one-shot pour objectiver mes réactions à cette proposition de Défi.

Avant tout, sachons bien que la proposition étant celle d'une "charte", elle est factuellement totalement inutile.  En effet, comment des élus qui ne respectent déjà pas l'éthique - voire la loi si l'on suit les affaires qui se déroulent depuis des années - en auraient quelque chose à faire d'une "charte".

Maintenant, même en prenant l'hypothèse que cette charte puisse faire peur à quelques élus et puisse être respectée, qu'en dire et que proposer si on a une vision "citoyenne" du sujet?   

La charte de Défi

- Parlements

1. Exiger le décumul absolu des mandats parlementaires : un mandat parlementaire ne peut en aucun cas être cumulé avec un autre emploi à temps plein.

2. Exiger le décumul absolu de tous les mandats parlementaires et de tous les mandats exécutifs et plafonner le cumul de toutes les rémunérations privées-publiques à 150% (plafond légal). Ces mandats ne peuvent en aucun cas être cumulés avec un autre emploi à temps plein ou avec tout revenu professionnel ou indemnité de revenu professionnel qui dépasserait la règle de 150% de rémunération du mandat parlementaire.

➡ Rien à dire mais une bonne pratique serait de ne pas se limiter à certains mandats mais simplement de parler de mandat à temps plein.  Si un "job" politique est considéré comme un job à temps plein (président, parlementaire, député, bourgmestre d'une grande ville, etc.), il ne devrait pas être cumulé avec tout autre emploi, fut-il à temps partiel.  Un homme, un temps plein voire un salaire (éventuellement revalorisé pour les plus faibles).

3. Limiter à trois le nombre de mandats législatifs successifs dans les assemblées parlementaires.

➡ Largement insuffisant.  Si l'on veut qu'une personne garde un pied "dans la vrai vie", il faut qu'il quitte la politique pour revenir dans la vie "civile" au moins durant 5 ou 6 ans (un mandat) tous les 10 à 12 ans (2 mandats).
La bonne proposition serait d'interdire de prester tout mandat public après 2 mandats successifs pendant la durée d'un de ces mandats et obligation de retour dans la vie civile: pas de poste de président, pas de bourgmestre, pas mandat positionné par le président de parti, etc.

4. Limiter les indemnités de sortie parlementaires de sorte que celles-ci ne puissent pas bénéficier à quiconque jouirait d'un emploi (nouveau ou retrouvé) à sa sortie de mandat.

➡ OK.  Ceci dit, on peut limiter les indemnités de sortie tout court.  Un homme politique qui se dit "citoyen comme les autres" doit juste avoir droit  accès au chômage comme tous les citoyens pour se réinsérer.

5. Imposer un moratoire de deux ans aux mandataires politiques pour exercer une fonction au sein d'entreprises ayant une composante publique/au sein desquelles une autorité publique est majoritaire tant en termes de représentants dans les instances qu'en termes de participation financière.

➡ OK. Pourquoi 2 ans? Sur quelle base peut-on considérer qu'après 2 ans, le problème ne se pose pas/plus? Sur quoi est basé ce chiffre? 

6. Supprimer le régime fiscal privilégié des parlementaires en intégrant totalement le forfait pour frais, actuellement défiscalisé, dans la rémunération imposable.

➡ OK. 

7. Diminuer le nombre de parlementaires bruxellois de 89 à 60 et mettre fin aux groupes linguistiques.

➡ OK.  Ceci dit, pourquoi se limiter à une diminution de 89 à 60? Sur quoi est-ce basé, quel calcul a été utilisé pour proposer 60?  N'existe-t-il pas une grille de représentativité par nombre d'électeur potentiel? 
 
8. Diminuer le traitement et les indemnités de sortie des présidents des assemblées parlementaires.

➡ Pourquoi ne pas mettre le même principe que ce que l'on trouve dans le privé: un préavis fixé ou négocié sur l'ancienneté?  Pourquoi avoir un système différent des autres emplois de la société civile?

9. Soumettre tous les déplacements à l’étranger de députés ou de membres du personnel à l’accord de la commission parlementaire compétente en relations extérieures, ainsi qu'à une déclaration publiée sur le site de l'assemblée et reprenant le programme et le motif exact du déplacement.

10. Offrir une transparence totale sur les voyages professionnels des parlementaires, en ce compris à l’invitation d’un autre pays ou d’une organisation, et imposer la fourniture de rapports de mission.

➡ OK.  Rien à redire sur ces propositions.

11. Diminuer les moyens des groupes parlementaires ; allouer en revanche des moyens de base à chaque député (ce n’est pas le cas aujourd'hui: un député indépendant ne bénéficie de pratiquement pas de moyens).

➡ Typiquement le genre de proposition qui vient d'un petit parti qui n'a pas ou frôle le seuil du groupe parlementaire.  Pourquoi ne pas simplement n'allouer que des moyens par parlementaire, ce qui peut rendre une certaine liberté aux groupes qui ne doivent pas avaler des couleuvres de certains de leurs membres de peur qu'ils ne "cassent le groupe"?

12. Généraliser le recours à un registre des lobbies dans les assemblées parlementaires (au lieu d'enceintes législatives) et dans les exécutifs et sanctionner l'absence de publication légale ou réglementaire de ces lobbies au Moniteur belge.

➡ OK. Rien à redire sur ces propositions mais sanctionner comment? Si c'est pour avoir une "remontrance", autant ne rien faire.

- Gouvernements

13. Réduire drastiquement les effectifs des cabinets ministériels à un seuil maximal de vingt personnes.

➡ OK mais pourquoi 20 personnes? Les pays nordiques font avec moins. Ne vaut-il pas mieux dépolitiser les administrations et se baser sur une administration performante que garder ce double usage avec les cabinets? 

14. Imposer la règle selon laquelle un mandat de ministre ou secrétaire d’Etat ne peut être conféré qu'à un mandataire élu par l'assemblée parlementaire correspondante et devant laquelle l'exécutif est responsable.

15. Réserver les logements de fonction fédéraux aux ministres en justifiant l’utilité et habitant hors Bruxelles et provinces de Brabant wallon et flamand; supprimer l’indemnité de logement à ces bénéficiaires de logements.

➡ OK. Rien à redire sur ces propositions.

- Partis politiques

16. Imposer un cadre légal aux partis politiques et leur imposer des contraintes en termes financiers et démocratiques

17. Répartir les moyens que les partis peuvent utiliser en deux catégories: une partie comme frais de fonctionnement devant uniquement servir à la vie normale d’une formation politique (bureaux, ressources humaines, études); une partie dédiée aux moyens de campagne et qui devrait être semblable pour tous les partis reconnus ayant déjà une représentation.

18. Interdiction pour les partis d’utiliser leurs moyens pour des fins non-politiques, comme les placements mobiliers ou immobiliers, à l’exception des bureaux utilisés pour l’usage des partis.

19. Limiter drastiquement, par la loi, la dépense de publicités par les partis politiques sur les réseaux sociaux.

➡ OK. Rien à redire sur ces propositions.  Le vrai problème est lié à la démocratie interne et à la particratie externe et là, rien n'est proposé.

- Administrations et entreprises publiques

20. Diminuer le nombre d’Organismes d’Intérêt Public (OIP) à Bruxelles et ne conserver qu’une intercommunale par province et par secteur en Wallonie.

➡ OK mais pourquoi se baser sur les provinces pour décider du nombre d'intercommunales en Wallonie?  Ne serait-il pas simplement possible d'encore réduire plus?  On a des entreprises au niveau du pays et des multinationales.  Pourquoi penser qu'une entreprise gérant plus qu'une province fonctionnerait moins bien?  Serait-ce parce qu'il faut garder des places pour des mandataires? 

21. Renforcer les pouvoirs de la Cour des Comptes en matière de contrôle des mandats et rémunérations des mandataires publics , y compris des OIP (Organismes d'Intérêt Public)

22. Supprimer les voitures de fonction pour les hauts fonctionnaires

23. Supprimer les vols business pour les fonctionnaires.

➡ OK. Rien à redire sur ces propositions.

- Communes et provinces

24. Interdire la perception de revenus complémentaires par des membres d’exécutifs communaux (bourgmestres et échevins), lorsque ces revenus découlent de fonctions découlant déjà de leurs charges.

25. Supprimer les véhicules de fonction des bourgmestres et échevins.

➡ OK.  Rien à redire sur ces propositions.  Ceci dit, pourquoi ne pas remettre en cause les provinces, niveau totalement artificiel dont les services publics pourraient être redistribués au niveau des régions et des communes? Serait-ce parce qu'il faut garder des places pour des mandataires? 

Voilà, en quelques mots - et suite à un parcours rapide - une réaction à cette proposition de charte qui ne va de toute manière pas assez loin et n'est absolument contraignante pour personne.

Que ces propositions deviennent des propositions de lois serait peut-être déjà une solution plus crédible, mais c'est sans doute plus compliqué. 

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