Les journalistes, porte-parole de politiques en campagne?

Il y a plus de 15 ans, j'ai travaillé comme consultant dans le monde de la gestion de projets digitaux.
Un des projets qu'on nous avait commandé "en urgence" avant des élections concernait une ministre qui voulait un site internet avec workflow et connexion à des données publiques qui présentait une informatisation d'une idée qu'elle (ou son cabinet) avait eue.

Le résultat, vu les délais, fut de piètre qualité.  Après 3 clics, ça plantait.  Mais qu'importe, l'intérêt était de pouvoir tenir la conférence de presse pour "faire la pub" du travail de la ministre.  
De toute manière, après les élections, ce site a été oublié et personne ne l'a sans doute jamais utilisé.  Par contre, il a coûté bien cher pour le citoyen vu son inutilité factuelle.


Depuis cette époque, je regarde d'un autre oeil les informations numériques que nos élus mettent en avant dans les conférences de presse sur "le travail qu'ils ont dirigé".  Et souvent, quand on creuse, on n'est pas déçu (si on part avec un a priori négatif 😉).

Venons-en au 14 juin.  Dans l'émission "Matin 1", Thomas Gadisseux accueille le frère de Charles Michel  pour lui parler - entre autres - de son application (qui est en fait juste un site internet 😶) "qui permet au citoyen de savoir ce que le service public fait avec ses données: mydata.belgium.be".  Etant dans le domaine depuis des années, avec d'énormes difficultés liées aux technologies divergentes qui communiquent difficilement, aux vieilles technologies que l'on adapte avec complexité, à la sclérose de certains à adapter les processus "qui fonctionnent" pour en faire des processus de qualité au niveau de la donnée ou de la sécurisation des accès, etc., je suis surpris par cette annonce.

Une question me taraude: comment ont-ils contourné les difficultés que nous rencontrons chaque jour pour obtenir une vue transparente et performante de l'utilisation de nos données?  On a vite mis l'équipe sur le coup pour voir si on pouvait s'inspirer de leur travail chez nous.

Répondons directement à la question: ils ne l'ont pas fait.  Le site est - pour l'instant, car je ne doute pas que plein de gens de bonne volonté travaillent dessus - une coquille vide.  C'est du vent.  On y trouve peu d'informations sur les accès réels. 
Est-ce normal? Oui. 
Est-ce que cela prendra du temps pour obtenir un résultat permettant de se plier aux exigences du RGPD (Réglement Général sur la Protection des Données)? Oui. 
Est-ce qu'on y arrivera un jour? Sans doute.  Cela demande des investissements, du courage, des budgets et surtout, de la patience car certaines technologies anciennes utilisées dans certaines administrations ne pourront pas s'adapter d'ici leur mort programmée.

Mais voici la question qui chatouille: pourquoi les journalistes ne font-ils pas leur job avant de dérouler le tapis rouge à des politiques qui viennent vendre leur soupe? En 15 ans, je constate que rien n'a changé: les politiques exigent l'impossible, on leur fabrique un truc qui tient pendant une conférence de presse et les journalistes en font tous la pub.  Ne peuvent-ils pas creuser?  Ne peuvent-ils pas demander à des spécialistes de tester le résultat avant de le mettre en avant?  Ont-ils posé la question à ces "experts" qui sont inféodés à des partis et ont perdu tout sens critique? 
Je ne connais pas la réponse.  Je me doute que l'objectif est sans doute plus de remplir un grille des programmes que de vendre du réel.  En effet, si on mettait les politiques en permanence devant leur inutilité, ils ne viendraient plus au micro.


Bref, rien ne change au pays du surréalisme, mais avec l'âge, je ne me fais plus d'illusion sur notre aristocratie représentative, sa cour et ses suiveurs.  Je suis juste parfois surpris que certains se laissent encore avoir malgré leur grande expérience.  L'avantage de ne plus avoir d'espoir dans un système, c'est qu'on n'est plus jamais déçu...

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