Le libéralisme, ça ne veut plus rien dire...

Hier, j'ai lu un titre sur les réseaux sociaux qui m'a interpellé.  Dans une interview croisée dans la presse, les présidents du MR et de l'OpenVLD se plaignent que "Une partie de la population qui ne pense pas à voter libéral est pourtant libérale".
Je me demande si, vivant principalement entourés de gens qui pensent comme eux, ils comprennent encore le vrai problème du libéralisme actuel: cela ne veut plus rien dire pour le citoyen lambda.  Ou pire, cela veut tout dire et rien dire à la fois.


En effet, derrière le mot "libéralisme", on trouve actuellement aussi bien le libéralisme des lumières qui visait surtout à remettre en cause les privilèges de classes - à l'époque liés à la religion - et à émanciper les individus, que le néolibéralisme qui prône la protection des libertés individuelles face à l'État (tout en en conservant un fort besoin sur les tâches régaliennes) et qui vise à réduire l'emprise du secteur public sur l'économie, au profit du secteur privé ou encore que l'ultralibéralisme (darwinisme social) qui est une doctrine prônant le libéralisme absolu et tendant vers un désengagement total de l’État et sa conséquence, l'accumulation possible des fortunes et la fracture sociale inévitable.

Pour voir la complexité de la chose, vous pouvez par exemple écouter la très bonne interview de la philosophe Barbara Stiegler, spécialiste du libéralisme, chez Thinkerview.

Actuellement, le citoyen (lisez l'électeur dans une société à vote obligatoire) s'intéresse beaucoup plus à la politique américaine et française ou aux grands titres de presse qu'à la complexité de la lasagne institutionnelle belge et de ses quelques politiciens qui se disputent avec des discours qui différent, parfois dans le même parti, selon le niveau de pouvoir auquel ils se situent.

De par ce fait, la vision d'une fracture politique mondiale qui se présente n'est plus autant entre les libéraux, les religieux et les socialistes qu'entre les progressistes et les conservateurs.
Les grandes luttes que l'on (re)voit dans l'actualité sont entre autres entre les partisans du "Black lives matter" et les suprémacistes blancs; entre les partisans de la mondialisation et le retour au nationalisme ou encore à la lutte des femmes pour gagner une indépendance sur leur vie ou leur corps.

Si l'on se base sur la politique américaine - société plus individualiste à la base que l'européenne - on voit la lutte entre les démocrates et les républicains.  Quand ils se chamaillent, les républicains positionnent les démocrates à gauche, avec les socialistes et les démocrates placent les républicains à droite.  Si l'on se base sur la politique française - société plus clivée vu le système politique - on a vu pendant des années la lutte entre une gauche sociale et écologique et une droite plus autoritaire.

Donc, quand les partis belges débarquent avec leur sempiternel positionnement "gauche contre droite" et lorsque certains représentants des libéraux francophones critiquent les écolos, les socialistes et le PTB en les cataloguant de gauchistes, ils se positionnent de facto à la droite de l'échiquier, ce qui - pour le citoyen qui regarde la politique américaine - le colle aux républicains conservateurs et - pour le citoyen qui regarde la politique française - le colle aux républicains autoritaristes.

Lorsque des représentants des libéraux francophones déclarent s'opposer à un petit impôt sur la fortune sur l'argument de protéger la classe moyenne supérieure (sic) qui possèderait juste (re-sic) 2 maisons, 1 appartement à la mer, 1 kot pour les enfants et de belles voitures, ils se positionnent de facto à la droite de l'échiquier ce qui - pour le citoyen qui suit l'évolution mondiale - le colle aux basques des partis (qui seraient alors les porte-voix de la finance internationale ou des multinationales) qui défendent le droit des riches d'être toujours plus riches.  Au niveau politique, on retombe ainsi sur les rares "très riches" en politique comme Berlusconi ou... Donald Trump.

Enfin, quand les libéraux se positionnent de prime abord en faveur de la police - à tort ou à raison, là n'est pas le débat - lorsqu'il y a des problèmes vis à vis de potentielles violences policières, ils se placent au niveau des débats internationaux comme suivant la vision autoritaire d'un Nicolas Sarkozy ou comme du côté du célèbre "Law & Order" inventé par Nixon aux Etats-Unis et remis au goût du jour par un certain... Donald Trump.       

Bref, en faisant tout pour se positionner à droite de l'échiquier belge, les partis qui se disent libéraux se mettent en position d'être compris par le citoyen lambda - qui ne voit la politique comme quelque chose de relativement binaire et qui, en plus, s'informe sur la politique via des modèles français et américains  - comme étant du côté de la richesse et du conservatisme.

Pour couronner le tout, nombre des personnes qui ont de l'importance au sein de ce parti portent une image qui les cantonne dans ce positionnement.  Dans leurs représentants actuels ou passés (pas si lointain) qui ont accès aux médias, on a relevé des positions ou des décisions pro chasse et traditions, climato-douteuses, pro "milliardaires" et autres.


En résumé, dire que "une partie de la population qui ne pense pas à voter libéral est pourtant libérale" est sans doute tout à fait juste.   Mais c'est surtout que si l'on regarde la sémantique, le libéralisme de cette partie de la population n'est sans doute pas le libéralisme mis à l'avant dans les médias par les partis qui se revendiquent du libéralisme, au moins au niveau francophone.

C'est donc un constat sans doute juste... mais tout à fait normal.

La seule solution pour les "libéraux" d'attirer ces votes "libéraux" passera par une recomposition politique (du côté francophone) permettant de scinder les partisans du conservatisme (de droite) des progressistes (qui, selon les débats, sont à droite ou à gauche).
Du côté flamand, c'est la NVA qui représente les conservateurs.
Du côté francophone, que ses représentants le veuillent ou pas, c'est le MR.
Donc, tant que les politiciens libéraux seront vu comme les conservateurs francophones, les électeurs libéraux ne voteront pas pour eux.

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