Ma vision "gouvernance des élus" expliquée en détail

Cette semaine, Patrick Dupriez, ancien co-président Ecolo, me faisait remarquer sur Twitter, que ma vision devait être décalée par rapport à la réalité.
Car en effet, ce que je souhaite dans le cadre de l'évolution des partis politiques et des candidatures à des postes démocratiques serait loin des demandes des citoyens.
Ce n'est sans doute pas faux.  En effet, je me doute que le citoyen est avant tout humain et que l'humain suit la pyramide de Maslow.


Donc, il est clair que le problème de la probité des élus et de la qualité de la représentativité dans le système politique, qui est avant tout un problème complexe que l'on peut placer dans les besoins d'accomplissement sont loin de ce qui intéresse le citoyen au jour le jour.

J'en suis conscient.  Mais ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas travailler, pour ceux qui en sont à ce stade et qui peuvent donc se le permettre, dans le but de réaliser ces objectifs qui - in fine - participent de l'amélioration du "bien commun"

Donc, je suivrais un objectif; faire du mandataire un citoyen "comme les autres" via 3 mesures concrètes.
  1. Limitation du cumul des mandats dans l'espace et le temps
  2. Le travail "à horaire imposé" = un gros temps plein maximum
  3. Revalorisation des petits salaires et plafonnement à un multiple de la rémunération moyenne
Explication:

Mesure 1: limitation du cumul des mandats

Quand on parle de (dé)cumul des mandats, on parle souvent de deux choses différentes: le cumul des mandats dans l'espace, soit le fait de pouvoir être à la fois parlementaire et président de parti, ou député et bourgmestre, ou échevin et président d'intercommunale, etc. et le cumul des mandats dans le temps: soit le faire de pouvoir faire plusieurs mandats consécutifs au même poste et/ou au même niveau de pouvoir.
 
Pour faire simple, le plus gros problème du premier cumul est le conflit d'intérêt.  En effet, quand on travaille à divers niveaux de pouvoir, il est inévitable à un moment de devoir faire des choix dans un de ses mandats qui pourraient (dés)avantager ses électeurs liés à un autre mandat.  A ce moment, tout humain étant imparfait, il serait normal que le choix ne soit plus dicté par une simple évaluation de faits mais bien par un intérêt "personnel".  Pour éviter ce genre de risques, le cumul dans l'espace doit être interdit.
En ce qui me concerne, il va de soi que pour la même raison, même si on peut difficilement interdire d'exercer un mandat public pour des raisons de mandat privé qui pourrait être en conflit, la transparence devrait être totale sur toutes ses activités privées avant d'exercer un mandat public afin de permettre de questionner et clarifier les doutes potentiels entre intérêt privé et choix public.

Le plus gros problème du second cumul est la professionnalisation de la politique.  Pour certains, "politicien" est un métier comme un autre: on fait des études qui y conduisent (sciences-pô, droit, etc.) et souvent, on le fait de père/mère en fils/fille comme ce serait le cas avec les agriculteurs, les médecins et autres métiers où le fait de baigner dedans peut y mener.
Sauf que la politique, ce devrait être - selon ma vision - un groupe de personnes qui réfléchit à comment améliorer la vie du plus grand nombre tout en restant dans les grands principes de la planète (écologie, humanisme, solidarité, entrepreneuriat, etc.).  Pour que ce groupe soit dynamique et frais, il doit être au plus proche de la population et être renouvelé de manière très régulière.  Nous y reviendrons, mais le fait que ce soit un métier va à l'encontre de ces objectifs.
Et c'est sans aborder le fait qu'une trop longue carrière politique éloigne du monde du travail et qu'une reconversion est alors très complexe et entraîne des dérives (montages financiers pour maintenir des rémunérations, créations de postes inutiles pour se "recaser", etc.)

En conclusion, pour avoir une vie politique proche du citoyen, dynamique, où les conflits d'intérêts sont limités, où les élus sont avant tout des "témoins de vie" et où leurs autres expériences professionnelles sont un atout, il faut limiter le cumul des mandats dans le temps et l'espace.  

Mesure 2: Travailler un gros temps plein est un maximum

Écartons de suite l'argument "il y a des gens qui ont besoin de travailler 18h/24".   
C'est simplement faux, on n'a pas besoin de "travailler", on a au pire besoin d'être "actif" et on peut le faire de bien d'autres manières: sport, bénévolat, indépendant complémentaire, etc.
Donc, non, l'hyperactivité n'est pas une raison pour justifier plus d'un temps plein au "travail".

Ensuite, on retrouve l'argument du cumul de mandat qui serait nécessaire pour permettre aux élus de garder un contact avec le terrain".  De la même manière que précédemment, tu veux garder le contact avec le terrain? Ne cumule pas (ce qui te crée des journées de folie) mais avec le temps gagné, va faire tes courses, fais le taxi pour tes gosses, taille ta haie, promène ton chien, etc.
Là, tu seras en contact avec "le terrain".

Bref, pour permettre que l'élu soit un citoyen comme les autres, il faut pouvoir lui donner le temps d'avoir des activités de citoyen lambda.  Ce temps, il ne l'obtiendra souvent, dans notre société à spirale de folie, que via une limitation de son temps de travail.
Donc, terminé les présidents de parti député, bourgmestre, formateur qui doivent en plus serrer des mains dans les boudins compote avec les militants en souriant quoi qu'on leur dise alors qu'ils pourraient refaire le monde en toute franchise lors d'un barbecue avec des amis.

Je pense que ce modèle existe déjà dans les pays nordiques où, par exemple, les ministres sont des sortes de "super fonctionnaires" qui ont une vie de famille normale en dehors des heures "classiques" de travail.
Rien de tel pour rendre leur humanité aux élus que de leur permettre de pratiquer plus longtemps leur vie d'humain lambda.

Mesure 3: Bien gagner sa vie dans des normes raisonnables

On aborde ici le point le plus complexe étant donné la complexité (et l'opacité) des moyens de rémunérations de nos élus.  
On peut trouver des bourgmestres de petites communes qui gagnent des cacahuètes par rapport au temps qu'ils investissent ou des élus qui remettent une grosse partie de leurs rémunérations à leur parti ou à des associations, comme on peut trouver des ministres qui cumulent leur rémunération avec des avantages non taxés, des frais immenses ou des jetons de présence.
C'est compliqué.

Je n'aborderai donc ici que le principe. Un élu doit bien gagner sa vie pour permettre d'éviter les problèmes de corruption qui pourraient facilement survenir si ses besoins ne sont pas rencontrés par ses rentrées financières.  
Après, on ne pourra jamais empêcher que si ce ne sont plus les besoins qui sont en cause mais bien les plaisirs (on revient à Maslow), une personne motivée par l'avidité ne sera jamais satisfaite, quelle que soit ce qu'il touche d'un côté et le risque restera.  
On peut donc envisager un plafonnement des rémunérations nettes (ce qu'il touche sur son compte à la fin du mois) tout en sachant que l'objectif ne devrait pas être de trop l'éloigner de son salaire "d'avant la vie politique".  Toujours dans le but de pouvoir faciliter la mobilité entre la société civile et la politique, comment pouvoir faire comprendre à un élu qu'il passe d'un salaire de 2000 net à 5000 net pendant 6 ans parce qu'il a été élu et qu'après son mandat, il doit retourner à 2000 net. 
Personnellement, je pense que l'on devrait avoir une somme fixe, dont une partie est versée suivant un barème lié à ses diplômes, expériences et compétences et que la différence devrait être mise "de côté" afin de faciliter le retour à la vie post politique, quitte à ce que ce soit relativement long tant que le "pot" n'est pas vide.

Ensuite, pour les personnes venant de situations confortables du privé, une limite doit néanmoins être mise par rapport à un nombre de fois le salaire moyen des personnes devant qui il se présente à l'élection.  Ceci permet, et c'est le but défendu depuis le début de ce texte, qu'au jour le jour, les besoins des personnes que l'on représente ne soient pas trop éloignées des siennes.
On ne peut, d'après moi, se dire représenter une classe de la population et vivre avec un train de vie 10 fois supérieur.  En tout cas, c'est ma vision.


Conclusion 

Non, ces propositions ne sont sans doute pas les demandes les plus directement "vendeuses" auprès de la population.
Non, ces propositions ne permettraient sans doute pas à un candidat d'être élu.
Mais ces propositions permettraient d'assainir le milieu politique et en assainissant le milieu politique, la relation conflictuelle entre le citoyen et l'élu serait diminuée.
A un moment où les élus passent leur temps à se plaindre - à juste titre - de harcèlement et de critiques par trop acerbes de certains sur les réseaux sociaux, assainir une relation entre les élus et les citoyens serait sans doute une première étape dans la recherche d'une compréhension mutuelle et donc d'une amélioration des relations.
Si ça, c'est être "éloigné de la réalité", je l'assume car avant de refaire la toiture, je pense qu'il faut renforcer les fondations...

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