Rêver une recomposition politique wallonne

Le monde politique a changé,  La séparation "gauche-droite" est surannée.  Elle mourra petit à petit.
Ce que je vais essayer de démontrer ci-dessous au niveau wallon, je l'ai lu ce matin dans un superbe plaidoyer contre une certaine vision qu'a la droite.  Je vous le conseille vraiment.  C'est le discours de Raphaël Enthoven à la «Convention de la droite».  Je me devais d'insérer cette introduction, car si elle n'a qu'un lien indirect avec mon espérance qui viendra ci-dessous, elle part des mêmes réflexions.


Le nouveau gouvernement wallon - celui de la fédération Wallonie-Bruxelles peut être mis dans la même logique - essaye d'être porteur d'espoir.  Les profils qui ont été choisis pour le composer sont relativement neufs.
Bien évidemment, on a loupé LE geste qui aurait donné une image disruptive, en mettant à sa tête un Elio Di Rupo qui représente tout ce que l'ancienne politique a fait de plus traditionnel: que ce soit son passage comme premier ministre où il a géré l'état en allant à l'encontre des valeurs qu'il prône en campagne électorale ou son incapacité chronique à se débarrasser des parvenus, principalement à Liège et Charleroi.  On m'a d'ailleurs glissé à l'oreille que si l'on creuse au niveau des chefs de cabinets de certains ministres "neufs", on trouve du bien vieux, bien particratique et bien installé.  Le neuf chez certains ne serait que de façade.  A investiguer.

Néanmoins, cela ne change rien - en ce qui me concerne - au problème de fond de la politique wallonne: les lignes de partis ne sont plus assez claires voire représentatives des idées/idéologies qu'elles disent défendre.

En forçant volontairement un peu le trait pour marquer les différences, voici ce que l'on peut relever:
Si l'on prend le MR, c'est un parti où l'on trouve aussi bien:
- des conservateurs pour qui l'ordre est plus important que la diversité et qui s'opposent par exemple à la libre circulation des hommes (migrations),
- des capitalistes pour qui l'important est la valorisation (financière) des compétences,
- des chrétiens rigoristes qui y ont trouvé un port d'attache,
- des libéraux qui se réfèrent aux valeurs des lumières.
Voter pour ce parti, c'est comme la roulette russe: tu ne sais jamais dans quelle direction ça va partir après.  La lutte des chefs pour la présidence ne semble pas se préparer à clarifier les choses.

En ce qui concerne  le cdH, c'est un peu plus simple: on peut y relever deux grandes tendances: ceux qui ont une fibre de type "e-change", qui veulent sortir des clivages gauche/droite et veulent offrir de la nouveauté dans la manière de faire de la politique et ceux qui, arc-boutés sur le passé glorieux du parti héritier du PSC, espèrent continuer à en faire un parti où le religieux importe et où les baronnies locales dictent  les évolutions.  Entre une frange accrochée au passé et une vision d'avenir, suivre ce parti est aussi un risque tant qu'on ne sait pas quelle tendance va prendre le dessus.

Au niveau du PS, il est clair que depuis très longtemps, la particratie a dominé les valeurs.  Les affaires, multiples et récurrentes ont démontré qu'il était tout sauf un parti capable de se prendre en main pour promouvoir l'éthique et une culture politique innovante.
Pourtant, à une époque, un petit groupe a donné l'impression en interne de vouloir faire une petite révolution pour sortir de cette vision passéiste mais la révolte a vite été matée.  On peut néanmoins rêver qu'ils n'attendent qu'une opportunité pour essayer de relancer leur fronde si l'opportunité se présente.

Enfin, chez Ecolo, un problème existe depuis toujours: une lutte interne entre les anti-nucléaires et les éco-réalistes, les gens proches de l'extrême gauche et les partisans du "mieux avec moins" ou du retour à une plus grande proximité de la nature.  Est-ce vraiment un problème?  Au fond, pas vraiment, mais quand les décisions importantes se prennent à l'arrache en pleine nuit avec les plus résistants pour donner une impression de "démocratie", ça peut le devenir.
Ça doit en tout cas être frustrant pour ceux qui n'ont ni la capacité ni la possibilité d'être "aussi" militants que ça.
Il faut aussi noter qu'avec cette méthode, ce ne sont pas toujours les idées représentées par les "électeurs" que les militants choisissent.  Or, si  l'on veut jouer la vision démocratique, le mandat vient de l'électeur, pas du militant.

On pourrait également parler de Défi, parti aux valeurs libérales sociales qui ne démarrera sans doute jamais en Wallonie, faute d'histoire ou de personnes portant vraiment un projet autre que l'opposition aux flamands.
Il reste le parti d'une personne qui devrait bientôt disparaître des médias et ses membres devraient se reposer la question de l'intérêt de rester seuls au milieu du gué.



Franchement, pour le bien de notre démocratie, je ne vois une solution satisfaisante (hors la mise en place de la démocratie liquide, ce qui n'est - malheureusement - pas pour demain): une recomposition politique.

Comme très bien énoncé dans l'article que je citais en introduction, je ne pense pas que les débats "gauche - droite" restent d'actualité.
Par contre, je pense que le clivage "progressiste/Libéral - conservateur/Souverainiste" le reste toujours.

Soit on accepte un monde où le travail et l'ordre sont les valeurs centrales, où l'argent définit l'échelle sociale et où l'ordre impose le calme par la force s'il le faut.  Ce monde promeut l'égalité via le port d'uniformes, d'une éducation dans la discipline avec un objectif sociétal. Les traditions et les règles locales sont prioritaires par rapport à l'ouverture à d'autres cultures.
Soit on est pour un monde où l'humain est la valeur centrale, où la valeur de la personne est définie par son empathie et sa capacité à s'insérer dans un projet qui le dépasse.  Ce monde accepte les différences et essaye de tirer le meilleur de chacun, en le laissant exprimer ses spécificités. Dans ce monde, chacun avance à son rythme selon ses capacités et on apprend des autres cultures pour réformer la sienne tout en conservant des valeurs inaltérables.

Avec ce positionnement - je le concède un peu simpliste - on voit que l'on pourrait trouver des gens de ces deux camps dans tous les partis.

Si le citoyen se désintéresse de la politique, c'est en partie à cause de la  différence entre les paroles des hommes politiques et leurs actes.  En effet:
- Comment faire comprendre à un électeur qu'un "socialiste" qui est jusqu'au cou dans les affaires financières ne l'est que si son profil est "conservateur", soit que pour lui la réussite est liée à l'argent?
- Comment faire comprendre à un électeur qu'un cdH, ancien PSC, défende des idées qui vont à l'encontre des préceptes religieux tels que la PMA ou l'IVG, si ce n'est parce que son profil est  principalement "progressiste" et que pour lui, l'humain passe avant la "tradition" enseignée par la vision croyante?
- Comment faire comprendre à un électeur qu'un MR puisse refuser l'accueil des migrants, sous l'idée que les valeurs "européennes" doivent être défendues contre vents et marées, si ce n'est parce que son profil est "conservateur" ou qu'un autre MR puisse promouvoir le revenu universel, si ce n'est parce que son profil est "progressiste"?
- Comment, enfin, faire exister chez Ecolo la vision qui défend un retour à l'agriculture locale et aux traditions, principes relativement conservateurs tout en défendant l'égalité entre les peuples du monde entier, principe relativement progressiste?

Alors, sans naïveté, je sais que même en scindant les visions selon ces 2 grands principes, on trouvera toujours des idées et des gens qui émargeront aux deux.  On peut - par exemple - vouloir un retour au bio et au local tout en s'ouvrant aux nouvelles technologies et aux avancées scientifiques.
Par contre, on peut plus difficilement revendiquer un monde où la valeur se mesure par son compte en banque et revendiquer une certaine équité vu que des personnes intelligentes et cultivées peuvent ne pas se trouver du bon côté de la barrière économique (et vice-versa).

Je pense donc qu'un nouveau positionnement politique, accompagné de règles strictes de gouvernance et de transparence - ce qui éloignerait définitivement tous les candidats qui se présentent par intérêt et pas par motivation - pourrait être à la base d'une nouvelle ère de la politique wallonne.


Réaliste?  Rien n'est moins certain mais en tout cas, il y a un gros momentum pour ce faire:
que ce soit le désintérêt de la population,
la refonte en cours du cdH,
les élections au MR qui vont exposer des clivages,
le départ de "monsieur Défi" qui va laisser le parti orphelin de leader,
le passage au pouvoir d'Ecolo qui va frustrer certains membres si les résultats ne sont pas là
ou simplement les affaires liées au PS où ils n'arrivent plus qu'à mettre la tête dans le sable.
Il reste plus de 4 ans pour bouger les lignes.

Je crois que quelque chose peut se produire.  Il suffira peut-être d'une étincelle....

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