Le décumul intégral, première nécessité pour améliorer la politique

Pour commencer, qu'est-ce que le décumul intégral? 
Politiquement, cela représente le fait qu'une fonction exécutive locale (bourgmestre, échevin, président de CPAS) ne pourrait plus être exercée avec celle de député.
En ce qui me concerne, cela doit aller plus loin: toute activité politique qui est considérée comme demandant un temps plein ne devrait pas être cumulable avec une autre activité qui demande un investissement plus qu'épisodique.



Pourquoi pas?
Avant tout, tuons tout de suite le système de défense des opposants au décumul qui avancent l'idée selon laquelle il serait nécessaire pour "avoir de meilleurs échanges entre les niveaux de pouvoir".
Heu, nous sommes en 2019: il y a un million de manières de se tenir au courant de ce qu'il se passe ailleurs que dans son job.  Vouloir faire croire qu'une personne ne peut s'informer autrement qu'en cumulant, c'est faire abstraction des partages coopératifs en équipe, des médias, des réseaux sociaux, etc.
Bref, ce n'est pas un argument du 21ème siècle.

Précision: il est pour moi question de tout cumul, privé et/ou public, car - j'y reviendrai - les problèmes liés aux conséquences dudit cumul sont souvent liés à la pratique même de celui-ci, pas à sa nature.

Quels sont les arguments contre ce cumul?
1. le conflit d'intérêt est bien évidemment le principal argument à investiguer pour le niveau politique.  Avoir un député qui défend dans son assemblée les intérêts d'un autre mandat (même privé) qu'il possède est absolument inacceptable et c'est pourtant souvent la norme: nombreux sont souvent à la fois juge et partie. 
Être élu pour un mandat demande de s'investir entièrement dans celui-ci.  Etre élu pour plusieurs mandats demande potentiellement de partager ses choix lors de décisions qui impactent ses différents niveaux d'influences. 
Pire encore quand on aborde les présidents de partis qui cumulent avec d'autres postes puisqu'ils doivent schizophréniquement suivre des décisions de compromis entre partis et en même temps les rejeter pour raison idéologique à l'intérieur du leur.

2. l'enrichissement est un problème qui est en voie de résolution dans certains cercles mais ce n'est pas encore le cas partout, il faut donc rester vigilant.  En effet, risquer d'avoir des personnes avides d'argent qui ne choisiront pas les mandats pour de bonnes raisons est inacceptable.  C'est également une raison qui pourrait poser un renforcement de l'effet "tour d'ivoire": certains salaires d'élus sont déjà tellement éloignés des salaires moyens que les problèmes de la vie quotidienne leur semblent lointains.  Si on en rajoute encore plus, cela mènera à une incompréhension toujours plus grande des citoyens qui les poussera de plus en plus au poujadisme.

3. l'impact sur la vie du cumulard (mais c'est son choix) et surtout sur celle des collaborateurs doit aussi être pris en compte.
En effet, à partir du moment où l'on cumule plusieurs jobs à temps plein, on est obligé de le faire en  dehors d'horaires "qui permettent une vie privée".  Qu'un élu décide de ne vivre que pour son travail, c'est son choix; mais qu'il impose une vie de ce type à ses collaborateurs (souvent bien moins payés), c'est injuste et parfois - pour avoir discuté avec plusieurs membres de cabinets de cumulards - plus proche de l'esclavage que du travail normal.
Et bien évidemment, dans ce milieu, on craint de perdre son job car c'est une expérience qui éloigne des jobs classiques; donc on s'adapte, quel que soit l'impact sur sa vie personnelle.
Ces élus sont pourtant souvent les premiers (à part dans les partis conservateurs ou ultra-économiques où l'on ne jure que par une vie de labeur), à revendiquer un meilleur équilibre travail - vie privée pour les citoyens, visiblement à l'exception de leurs collaborateurs.



En conclusion
Pour toutes ces raisons, et sans doute d'autres, le principe "un humain, un temps plein" doit être la règle de base.
Comment un mandataire pourrait-il être crédible en tant que représentant de la population alors qu'il donne l'impression, soit qu'il revendique des mandats à temps partiels payés à temps plein (s'il peut caser les tâches de plusieurs mandats en un seul à horaire normal), soit qu'il a besoin d'agir en esclavagiste avec ses collaborateurs pour tenir le rythme en heures sup'?
Dans les deux cas, il y a un problème de valeurs entre la défense d'un "mieux commun", d'un rêve d'équilibre et la pratique journalière.
Pour ces raisons, je pense qu'avant de penser toute refonte de la démocratie, les mandataires doivent accepter de se comporter comme des humains "normaux" et n'accepter qu'un temps plein (privé ou public) à la fois.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La Charte de Défi passée au crible d'un citoyen

Les journalistes, porte-parole de politiques en campagne?

Fossé citoyen-politique: ils ne comprennent pas...