Les manifestations s’essoufflent, mais quid des cerveaux?

En tant qu'ex co-responsable d'un grand mouvement étudiant qui avait fait trembler les politiques mais avait failli par ses luttes internes et co-fondateur d'un mouvement politique qui avait ramené des centaines de sympathisants avant de s'effondrer suite à un blocage depuis la France, j'aurais pu dire à n'importe quel journaliste que le mouvement pour le climat (particulièrement celui des jeunes) allait s’essouffler.

Ils semblaient le découvrir avec surprise jeudi midi et se poser la question.


Que nous apprend l'histoire des manifestations et des mobilisations citoyennes?  Elle nous apprend qu'une grande majorité des gens - s'ils n'ont pas un intérêt personnel à s'impliquer - sont prêts à mettre leur agenda en berne et à se mobiliser une ou deux fois pour montrer un signal, rarement plus°°.

Que ce soit la marche blanche (1996 - 300.000, j'y étais), la grande marche pour le climat (2018 - 80.000, j'y étais), les grandes manifestations étudiantes (1994 - 40.000, j'y étais) ou d'autres manifestations de moindre envergure, la suite des mobilisations a rarement permis de tenir sur une longue distance.

Nous vivons dans un monde où l'implication citoyenne ayant un impact sur son "train-train" se fait rarement par simple résultat d'une longue réflexion intellectuelle, mais plus souvent à cause d'événements qui jouent sur les émotions.  Par définition, les émotions sont de courte durée et ne peuvent entretenir un mouvement de longue haleine.

Il est donc tout à fait normal qu'une certaine lassitude s'installe et que seules les personnes qui ont l'impression de pouvoir avoir un impact concret (souvent les personnes médiatisées) ou dont c'est le fond de commerce continuent les actions contre vents et marées.
L'échec de la "loi climat" lié à la surdité permanente d'une majorité de la classe politique devant des gestes que l'on voudrait parfois juste symboliques est certainement aussi à la base d'une certaine démotivation, car manifester en sachant qu'on ne peut plus avoir d'impact n'est pas très motivant.


Mais ces manifestations sont-elles ou ont-elles été inutiles? 

Il me semble que non.  Elles ont mis au devant de l'actualité la sauvegarde de la biodiversité, les problèmes de pollution, l'impact du plastic, la déforestation et d'autres sujets via les demandes liées au climat.
Tous ces sujets ont été de nouveau priorisés grâce à la médiatisation de ces marches et manifestations et la bonne image qu'elles avaient.  On n'y dénote quasi pas de débordements, pas de violence, des familles, des enfants, un message positif pour l'avenir: tout était en place pour donner une image motivante.

Bien évidemment, si lors des élections, le citoyen ne décide pas de mettre en avant ces sujets face à d'autres qui sont individuellement plus intéressants à court terme mais catastrophiques à long terme, rien ne changera vraiment jusqu'à ce que l'on se prenne le mur.

Il semble, si l'on suit l'actualité des médias, que ces marches aient eu un impact pour de nombreuses personnes.  Avant, seuls les "intellectuels" comprenaient que l'égoïsme immédiat était préjudiciable pour les générations futures tandis qu'il semble que d'autres l'aient maintenant compris et soient prêts à accepter des décisions qui permettront de mettre en place des changements de comportements, seule solution pour qu'une modification de société se concrétise.


En conclusion, nous saurons dans un mois si ces manifestations auront eu un impact sur les cerveaux des gens.  Si les conservateurs énergétiques, soit ceux qui croient à une croissance infinie dans un monde où l’énergie est quasi exclusivement tirée des ressources à réserves finies (MR, cdH, NVA, cd&V, open VLD, PP ou Destexhe), ceux qui semblent préférer leurs avantages personnels ou ceux de leurs mandataires à un changement de fond (PS) ou ceux dont l'idéologie bloquera le changement (PTB) restent suffisamment forts que pour empêcher tout changement radical de l'impact humain sur la biodiversité, elle n'auront servi à rien.

Si les vrais promoteurs de changements (Groen, Ecolo et quelques petites listes) font une assez grande percée que pour permettre de faire des coalitions qui imposeront des changements ayant pour objectif le long terme écologique et plus le nombril des élus, elles auront été utiles et même si le mouvement est essoufflé sur le terrain, il aura continué dans les têtes et c'est bien là le plus important !

Après, restera à ce que ces idées se transmettent aux endroits qui ont un impact plus important tels la Chine et les Etats-unis ou à ce que l'impact éventuel sur  les conservateurs énergétiques soit global.



°° Je ne mets pas sur le même pied ces manifestations "citoyennes" que celles gérées par des organisations telles que les syndicats, dont la mobilisation est plus structurelle que citoyenne, voire encore celles des gilets jaunes français dont la durée n'est entretenue que par des extrémistes ou ceux qui n'ont plus rien à perdre.

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